Titre de l'article :

Preuve expérimentale de la diminution des densités d’insectes sauvages par les abeilles mellifères dans une culture en fleur


Introduction à l'article :

Ajouter des abeilles domestiques à des cultures en floraison est une pratique répandue pour le renforcement de la pollinisation, pour compenser l’effectif insuffisant des pollinisateurs sauvages, ainsi que pour produire du miel. En déplaçant des ruches avec un grand nombre d’abeilles, la densité des pollinisateurs de la culture augmente rapidement. En revanche il n'est pas possible de dire si cela affecte la densité des autres insectes sauvages visiteurs de fleurs.

Dès lors, trois questions se posent:
1) La densité globale des insectes volants sauvages visiteurs de fleurs est-t-elle réduite dans les cultures supplémentées en ruches par rapport aux champs dénués de ruches ?
2) L'ajout d'abeilles impacte-t-il les densités de tous les groupes d’insectes volants sauvages visiteurs de fleurs dans les champs de culture ?
3) Les impacts des abeilles sur les densités d’insectes volants sauvages visiteurs de fleurs dans les cultures sont-ils dépendants du contexte du paysage ?

Expériences de l'article :

Les auteurs ont voulu évaluer l’impact de la compétition imposée par les abeilles domestiques sur les densités d’insectes sauvages (bourdons, abeilles solitaires, syrphes, bibionidés, autres diptères et autres insectes volants visitant des fleurs) en manipulant les densités d’abeilles dans 44 champs hivernaux de colza oléagineux (Brassica napus) en fleurs, situés dans des types de paysages agricoles hétérogènes ou homogènes, dans le sud de la Suède. Pour ce faire, ils ont ajouté artificiellement 624 ruches au sein de 23 champs de colza oléagineux (champs traités) et ont contrôlé l’absence de ruches aux alentours des 21 autres champs (champs contrôles), et ce, du début à la fin de la période de floraison. 
La densité d’insectes volants et visiteurs de fleurs a été déterminée par observation et attrapage au filet le long des transects à 100, 200 et 300 mètres du côté de la parcelle avec la plus faible largeur.

Résultats de l'article :

1) La densité d’insectes sauvages est plus faible dans les parcelles supplémentées en abeilles et l’effet semble dépendre de la taille du champ de colza puisque dans ces mêmes parcelles, la densité d’insectes sauvages diminue avec l’augmentation de la taille du champ.
2) Pour les groupes d'insectes sauvages, leurs densités respectives sont, souvent, négativement affectées par l’ajout d’abeilles. Les densités d’abeilles sauvages (bourdons et abeilles solitaires) chutent avec l’augmentation de la taille de la parcelle dans les champs traités mais augmentent sensiblement ou restent stables dans les champs contrôles. 
3) Les paysages homogènes possèdent généralement moins d’insectes sauvages mais l’effet semble dépendre du groupe. Par exemple, les bourdons et les bombyles sont moins nombreux dans les paysages homogènes que dans les hétérogènes alors que les autres diptères sont plus abondantes dans les homogènes. Les abeilles domestiques, elles, ne sont pas affectées par cet effet paysage. 

Ce que cet article apporte au débat :

Selon Paini, les écologistes ont beaucoup exploré la compétition entre les abeilles domestiques et les abeilles sauvages. Cependant, ces études manquent souvent de reproductibilité appropriée et d’indépendance des facteurs confondants. De plus, la compétition interspécifique a principalement été étudiée dans des environnements artificiels tels que des cages (Hudewenz & Klein, 2013) ou à travers des études corrélationnelles non-expérimentales, mais pas au sein de champs de culture. 
Les études sur la compétition avec d’autres insectes visiteurs de fleurs, en particulier sur des champs de culture où les densités d’abeille domestiques sont manipulées, sont faibles. Ici, les auteurs tentent de considérer ces manquements et de faire la lumière sur les enjeux d'une réduction de la biodiversité dans les paysages agricoles.

Remarques sur l'article :

• Après commencement de l’expérience, ils ont découvert une ruche à 600 m d’une des parcelles contrôle qu'ils ont cependant considéré négligeable.
• Ils avaient, initialement, limité les sessions d’observations aux jours à une température minimale de 15°C mais, en raison des températures fraîches du début de la saison et du fait que les abeilles mellifères fourragent préférentiellement à des faibles températures, ils ont revu à la baisse ce critère pour le fixer à 12°C.
• Les individus au sein des groupes des abeilles sauvages, des syrphes et des bibionidés ont pu être déterminés jusqu'à l’espèce alors que pour les autres diptères et les insectes restants, ils se sont respectivement arrêtés à la famille et à l’ordre.

Publiée il y a plus de 6 ans par C. Leroy et J. Maugoust.
Dernière modification il y a presque 5 ans.